Archigram (Peter Cook & David Greene),
LivingPod, PlugIn City, Instant City

En 1962, Peter Cook et David Greene, tout deux architectes, lancent le magasine Archigram, qui, par son aspect de bande dessinée pop avec bulles et onomatopées, tranche avec les publications d’alors. En 1963, il fondent avec Warren Chalk, Dennis Crompton, Ron Herron et Michael Webb, le groupe de travail Archigram. Ce nom est à la fois l’énoncé de leur méthode : l’architecture par le dessin, leurs idées étant dirigées contre les conventions formelles et vers les associations libres. Ils inventent l’architecture à l’heure de la société de consommation et de loisirs : une architecture de communication nourrie de références publicitaires , de culture populaire, des débuts de l’informatique, de science-fiction. Pensée comme une offre de services, l’architecture se consomme à la vitesse des images. Association informelle, qui durera jusqu’en 1976, les membres, dispersés et mobiles, auront rarement l’occasion de travailler sur un même projet. Seule l’exposition Living City les rassemblera en 1963.

LivingPod
Le Living-Pod est une tentative pour associer progrès technologique et recherche architecturale en lien avec l’évolution des modes de vie. Après Plug-In City (1964), Walking City (1964) et Free Time Node (1966), la question de plus en plus centrale dans le travail d’Archigram est la recherche d’un habitat mobile, indépendant de toute attache et autosuffisant. L’homme n’a pas encore marché sur la Lune, mais il a fait le tour de la Terre et le thème de la capsule est très présent en architecture. La possibilité de concevoir un objet qui soit en même temps un habitat et un véhicule, capable e résister en milieu hostile ou inconnu en simulant une atmosphère terrestre dans un espace confiné est une des préoccupations de l’architecture expérimentale. “La maison est un appareil à transporter avec soi, la ville est une machine sur laquelle on vient se brancher” (David Greene). Le Living-Pod propose cette réduction de l’habitat à un habitacle doté d’un confort minimum mais suffisant. S’il n’est destiné qu’à des exploitations terrestres, il n’en reprend pas moins l’esthétique spatiale, avec son principe de pieds-verrins adaptables permettant de se poser sur des sols inconnus, et avec la mise en valeur de la circulation des fluides à l’extérieur de l’enveloppe, qui rappelle cette fois le costume du cosmonaute. Cependant, David Greene note dans son commentaire du projet que le Living-Pod reste une “maison” et évoque les possibilités d'empilage au sein d’un structure urbaine telle que Plug-In City, réduisant ici l’habitat à un appareil transportable. Mais bien que comparable à une capsule, le Living-Pod n’en possède pas l’autonomie, et en ce sens il s’agit pour David Greene d’une impasse. Abordant ici un argument proche de celui que développe Reyner Banham avec “L’a-maison” (1965), il insiste sur l’idée d’abandon vraisemblable de la maison sous une forme statique et permanente au profit de dispositifs alternatifs impliquant les nouvelles technologies.
Le Living-Pod apparaît comme un objet charnière essentiel dans le travail d’Archigram pour qui l’architecture s’apparentera par la suite de plus en plus à une offre de services modulables et temporaires plutôt qu’à un objet imposé et définitif.

Instant City
Projet de ville nomade, Instant City marque l’aboutissement de la démarche d’aporie architecturale entamée par Archigram avec Plug-in-City. L’architecture disparaît, laissant place à l’image, à l’événement, à l’audiovisuel, aux gadgets et autres simulateurs environnementaux. Instant City développe l’idée d’une “métropole itinérante”, un package qui s’infiltre provisoirement dans une communauté. Cette ville superpose, le temps d’un instant, de nouveaux espaces de communication à une ville existante : un environnement audiovisuel (des mots et des images projetés sur des écrans suspendus) s’associe à des objets mobiles (des ballons dirigeables avec des tentes suspendues, des capsules, des mobile-home) et à des objets technologiques (des grues à portique, des raffineries, des robots) pour créer une ville de consommation d’informations, destinées à une population en mouvement. Première étape d’un réseau d’information, d’éducation, de loisirs, d’équipements, Instant City est à la fois “collective et coercitive”. Assemblage événementiel, Instant City met l’accent sur sa capacité à exister par “l’emploi de techniques existantes et sur l’application à des situations réelles.” A l’origine, elle est livrée aux secteurs périphériques entourant un métropole par une équipe de véhicules tout-terrain et une équipe d’hélicoptères. Ainsi, la communauté locale est intégrée dans la communauté métropolitaine. Cette idée d’infiltration vise alors à être complémentaire, plutôt qu’étrangère, aux communautés qui sont visitées. Par la suite, les véhicules sont transformés en dirigeables.

Voici comment Instant City fut décrite par Peter Cook :
“La “Ville” se constitue par séquences :

1 - Les composantes de la “Ville” sont chargées sur des camions et des remorques à la base de départ.

2 - Une série de “tentes” est suspendue à des ballons qui sont ensuite remorqués par avion jusqu’à leur destination.

3 - Avant l’arrivée de la “Ville”, une équipe de géomètres, d’électriciens, etc..a converti un bâtiment désaffecté de la communauté choisi en station de rassemblement, d’information et de relais. Des réseaux immatériels ont été créés avec les écoles locales et avec quelques grandes villes (permanentes).

4 - La “Ville” arrive. Elle est assemblée selon le site et les caractéristiques de la localité. Toutes les composantes ne seront pas forcément utilisées. La “Ville” peut s’infiltrer dans les bâtiments et les rues; elle peut les fragmenter.

5 - Manifestations, expositions et programmes éducatifs sont fournis en partie par la communauté locale et en partie par l’agence “Ville”. De plus, les éléments locaux périphériques sont massivement intégrés : foires, festivals, marchés, sociétés. Très souvent, on assiste à un rassemblement spontané de caravanes, de stands, de présentoirs et de personnel. L’événement que constitue Instant City pourrait être la réunion de manifestations qui, autrement, surviendraient de manière éparpillée dans la région.

6 - La tente aérienne, les coupe-vent gonflables et autres abris sont érigés. De nombreuses unités de la “Ville” possèdent leur propre enceinte, taillée sur mesure.

7 - La “Ville” reste en place pour une période limitée.

8 - Elle repart ensuite vers la localité suivante.

9 - Après qu’un certain nombre de localités aient été visités, les stations de relais locales sont reliées entre elles. La Communauté N°1 “nourrit” désormais une partie du programme dont bénéficiera la Communauté n°20.

10 - Finalement, par cette combinaison d’événements physiques et électroniques, “perceptuels” et programmatiques, et par la mise en place de centre locaux d’exposition, une “Ville” de communication pourrait bien prendre forme - la métropole du réseau national.

11 - Il est presque certain que les éléments itinérants se modifieraient au fil du temps. Il est même vraisemblable qu’ils seraient retirés de la circulation par phases, après deux ou trois ans, pour faire place au réseau ainsi constitué.

(...) En suite, nous avons construit une maquette qui pouvait déployer ses entrailles de plusieurs façons. Il s’agit du “vaisseau” simple qui accompagne le scénario de transformation d’une petite ville. C’est avec le dessin intégrant le dirigeable Rupert qu’Instant City subit sa première transformation majeure, par le biais d’un intérêt croissant pour le concept de “changement par infiltration”. La “Ville” se glisse dans les bâtiments à moitié terminés, utilisant la mercerie locale, les salles d’exposition de la compagnie du gaz et les trottoirs, aussi bien que des équipements plus sophistiqués. Et puis, il y a le camion “ventouse”, capable d’escalader n’importe quelle structure et, de là, d’offrir ses services - ce qui lui donne aussi la possibilité de brancher la ville entière si nécessaire. Ainsi, le projet cesse progressivement d’être une mécanique ou une “structuration” hiérarchisée et d’appartenir au monde des objets.”

Dialectique entre permanent et transitoire, mobile et éphémère, Instant City incarne l’utopie d’une architecture libérée de tout ancrage, d’une ville volante et aérienne. Ville de la communication, du réseau, des flux de l’instant, Instant City transforme l’architecture en situation en environnement réactif. L’architecture s’y donne à la fois comme produit de consommation et création d’un environnement naturel.

LivingPod, PlugIn City, Instant City par Archigram
   
 
2011