Tony Garnier, “Une Cité Industrielle” La ville, la cité, l’une comme l’autre, restent des totalités maîtrisables, un ensemble représentable dans sa totalité. Une ville reste visible depuis un point de vue, une ville reste concevable comme un bâtiment : une façade et un plan. La façade de la cité, une aquarelle, est un tableau avec un fond (le ciel et le papier) et un support qui pose la ville; le cadre : les montagnes et l’eau. Au centre apparaît la cité. La Cité Industrielle apparaît une première fois en 1901 comme Envoi complémentaire accompagnant le relevé du Tabularium. J-L. Pascal juge le projet en ces termes : “C’est un grand barbouillage de crayons pompeusement qualifié de ville industrielle, apparemment parce qu’on n’y trouve qu’une agglomération venue du hasard comme un Saint-Etienne relevé pour le cadastre à une échelle minuscule. Il serait peut être superflu de qualifier durement l’erreur qui fait confondre à Monsieur Garnier les tendances sociales qui peuvent le passionner et les formes d’art dont il pourrait les revêtir et qui seraient d’un haut interêt.” Tony Garnier possède au plus haut degré le sens de la vie sociale indispensable à toute grand oeuvre et la rigueur scientifique qui est la vertu fondamentale de l’architecte. L’observation des grands mouvements qui se dessinent sous le désordre angoissé de son temps l’a amené à conclure que le monde est en marche vers une civilisation fondée sur une base infiniment plus large que celle du passé, et vers un classicisme où se traduiront pour la première fois, l’influence prépondérante des masses et le rôle primordial du travail. Le modèle urbanistique que Garnier met en place vient de cette passion des circuit. Unwin verra alors en lui, par le prisme de l’industrie et de la taylorisation, le modèle de la ville contemporaine. Séparation des trafics, création d’espaces verts, trame orthogonale de voies et d’îlots, hiérarchisation des circulations, rupture avec le système d’îlots, création de services publics dans toute la Ville, le contexte dicte ici l’attitude théorique à adopter. Mais la Cité Industrielle était à la fois plus cohérente dans son association d’un style à une idéologie, du classicisme à l’utopisme, et plus enraciné dans son contexte culturel qu’on ne l’a pensé. Mais l’influence majeure de Garnier est ailleurs. Car si d’une part Une Cite Industrielle ,cette ville modèle, repose sur une étude soigneuse des principes d’urbanisme antique effectués par Garnier dans sa reconstitution de Tusculum, prônant un style moderne néo-grec, il est clair que d’autre part Garnier a trouvé dans les derniers romans de Zola l’annonce d’une révolution sociale de nature particulièrement utopique : Zola dans ce livre “moteur” pour Garnier qu’est “Travail” affiche alors une confiance absolue dans le triomphe de la technique. Son héros, Luc, y rencontre Fourier, Saint-Simon, Proudhon, Cabet, Pierre Ledoux, “toute cette phalange, cette avant-garde du futur qui peu à peu serait suivie par l’immense armée des peuples” et y choisit le fouriérisme dans une sorte de révélation. L’utopie de “Travail” de Zola et La Cité Industrielle de Garnier sont alors, comme les historiens l’ont notés, de forme et d’intention presque identique. Trois traits du socialisme utopique du 19ème apparaissent alors dans cette oeuvre. La Cité Industrielle reste alors un oeuvre de papier, un univers extraordinairement calme, malgré sa fonction. Garnier y ayant déjà enlevé tout le grouillement et le tumulte de la ville contemporaine. |
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"Une Cité Industrielle" de Tony Garnier |
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2011 |